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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

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Dans La Presse

Ils sont jeunes et approuvent Hitler

January 8, 2013 12

http://archives.lesoir.be/ils-sont-jeunes-et-approuvent-hitler_t-20130108-0288U3.html?query=hitler&firstHit=0&by=10&sort=datedesc&when=-1&queryor=hitler&pos=1&all=3668&nav=1

http://www.restitution.be/documents_pdf/20130108_ils_sont_jeunes_et_approuvent_hitler.pdf

LHUILLIER,VANESSA

Ils sont en 5e secondaire. On leur a projeté le film « La Rafle ». Leurs réactions sont vives, et certains font preuve d’une effrayante méconnaissance de l’histoire. Reportage-vérité.

Reportage

Pendant deux heures, la bibliothèque de l’athénée royal Verwée de Schaerbeek se transforme en salle de cinéma. Les élèves de 5e générale et habillement du professeur d’histoire Frédéric Njufom s’apprêtent à visionner le film de Rose Bosch La Rafle. Les 15 jeunes filles et les deux garçons n’ont pas encore reçu le cours d’histoire sur la Seconde guerre mondiale.

Pour eux, l’histoire de la rafle du Vélodrome d’hiver est un fait qui s’apparente vaguement à la Seconde Guerre mondiale. Ils ne diffèrent pas des Français interrogés sur leur connaissance de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Lors d’une enquête menée en 2012 par l’institut CSA, 42 % des Français de moins de 35 ans ne connaissent pas ce fait. Et pour les 15-17 ans, on atteint même les 67 %.

En Belgique, dès 2008, Marie Arena (PS), alors ministre-présidente de la Communauté française, voulait que les cours d’histoire parlent davantage du devoir de mémoire afin que les jeunes ne banalisent pas la déportation.

Mais le cinéma et une tête d’affiche comme Gad Elmaleh ont cela de magique qu’ils peuvent attirer des jeunes ne connaissant pas les faits. Parmi la classe, seule une élève a déjà vu le film.

Durant la projection, ils sont tous très attentifs. Captivés, ils rentrent dans le quotidien de ces Juifs vivant dans le Paris occupé de 1942. Pourtant, les réactions ne manquent pas. Lorsque les adultes parlent d’Israël comme de la Terre promise, une jeune fille insulte l’actrice. Cela ne l’empêche pas quelques minutes plus tard d’écarquiller les yeux lorsqu’elle voit en ombre des soldats allemands jeter des corps dans le feu.

Les scènes défilent. Les élèves et le professeur sont absorbés. Quelques larmes coulent. Lors de la scène finale, toutes les filles sont en pleurs. Les garçons, eux, fierté oblige, se retiennent péniblement.

La lumière se rallume. Les yeux sont rouges et gonflés. Les mouchoirs circulent mais personne ne parle. Il faut laisser quelques minutes à ces adolescents afin qu’ils puissent donner leur avis et démarrer le débat.

Au départ, les questions ne se bousculent pas. Ils avouent tous avoir appris des choses mais n’osent prendre la parole. Finalement, Houatif se lance. « Les Juifs ne représentent que 10 % des victimes de la Seconde guerre mondiale et on ne parle tout le temps que d’eux. Pourquoi ? » Frédéric Njufom explique alors le côté systématique de la Shoah, la mise en place de la « Solution finale », rappelle la définition d’un génocide et également le fait qu’il n’y a pas eu que des Juifs dans les camps.

« Je ne pensais pas que ces faits aient existé, s’exprime Kaoula. On ne jette pas des corps dans le feu surtout pour les enfants et les femmes. Mais de manière générale, je suis pour Hitler. » Coup de tonnerre dans la classe. Le professeur l’interroge pour savoir pourquoi elle aime Hitler. « Je ne sais pas pourquoi. Je n’ai pas lu sa bio. Ce qu’il a fait ne se fait pas mais ce que font les Juifs en Palestine, cela ne se fait pas non plus. Si Hitler était toujours , Israël n’existerait pas et il n’y aurait pas la guerre ! »

Quelques élèves approuvent. Pour eux, les Juifs sont mauvais et ils mélangent la Shoah et le conflit israélo-palestinien. « Cela ne m’étonne pas vraiment, confie le professeur. Il est logique qu’ils fassent le rapprochement entre les deux mais ils ne peuvent pas dire qu’ils sont pour Hitler. Je m’aperçois qu’un énorme travail pédagogique reste à faire. Ils ne comprennent pas que si Hitler était toujours , eux ne seraient pas dans cette classe. »

Houatif semble pensive. Elle se demande si, un jour, les musulmans vivant en Europe pourraient subir le même sort. « Non, répond Frédéric Njufom. Pas sous la même forme mais il peut y avoir de l’exclusion si on ne fait pas attention. »