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Dans La Presse

Delphine Horvilleur : « Pour rester vivante, la religion doit être bousculée »

December 21, 2012 3

Delphine Horvilleur : « Pour rester vivante, la religion doit être bousculée »

Elle est mère de famille, philosophe et rabbin ! Elle défend une lecture ouverte, actuelle et féministe de tous les textes sacrés. Rencontre avec une religieuse détonnante et irrésistible.

http://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/Delphine-Horvilleur-Pour-rester-vivante-la-religion-doit-etre-bousculee-2273276#Nous-sommes-dans-une-periode-d-obscurite-l-actualite-nous-en-donne-des-preuves-chaque-jour-2273280

Par Dorothée Werner

 La France ne compte que deux femmes rabbins

Elle a 38 ans, des yeux de chat, un jean noir et des boots. Delphine Horvilleur est rabbin à Paris, figure de proue du judaïsme libéral en France, qui regroupe plusieurs milliers de fidèles. Contrairement à de nombreux autres pays, la France ne compte que deux femmes rabbins, qui ne sont pas reconnues par les représentants officiels des juifs orthodoxes. Ex-journaliste, mère de famille, rabbin philosophe et féministe, Delphine Horvilleur invente chaque jour un chemin unique, le sien. A la veille de Noël, dialogue avec une femme refusant tout dogme.

 

« Nous sommes dans une période d’obscurité, l’actualité nous en donne des preuves chaque jour »

ELLE. Les fêtes de fin d’année ne se réduisent-elles pas à une immense foire commerciale ?
  Delphine Horvilleur. Oui, il est difficile de percevoir le sacré caché derrière le consumérisme. Ce qui est sacré dans ces fêtes est commun à toutes les religions, ce sont les notions de convivialité et de partage, mais aussi de prise de conscience des zones d’obscurité et de lumière dans notre vie. Nous sommes dans une période d’obscurité, l’actualité nous en donne des preuves chaque jour, et c’est le moment de se demander ce qui apporte de la lumière dans notre vie.

ELLE. Le sacré peut-il être séparé de la religion ?
  Delphine Horvilleur. Il est potentiellement partout où l’on place quelque chose à part dans notre existence pour lui offrir un statut privilégié. Chez certains, la nourriture, la nature, le sexe peuvent remplir ce rôle et même devenir l’objet d’un culte. Mais, à mon sens, le sacré véritable exige de ne jamais entretenir un rapport idolâtre au monde. L’idolâtrie, c’est croire que le divin peut s’incarner dans une chose spécifique et devenir limité, nommable, palpable. Ce n’est pas évident de lutter contre cela dans notre société qui développe beaucoup d’idolâtries et invente des icônes un peu partout.

ELLE. N’est-ce pas la conséquence d’une quête de spiritualité tous azimuts ?
  Delphine Horvilleur. Oui, mais le paradoxe c’est que certains vont chercher cette spiritualité dans une religion très figée, non négociable, avec un rapport fondamentaliste aux textes, et d’autres de manière totalement déconnectée des institutions officielles et des rites traditionnels. Je pense qu’il existe une voie du milieu, un sens à trouver à travers nos traditions et nos rites qui résonne pour notre génération. A condition de ne pas rester figé dans une interprétation ancienne des textes, de les revisiter, de les lire autrement. Sans pour autant créer des religions à la carte, dans lesquelles on picorerait des petites graines de spiritualité.