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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

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Dans La Presse

En Israël, les orthodoxes ont le vent en poupe

December 29, 2012 3

A quelques semaines des législatives annoncées par Netanyahou, «BoOks» a traduit un article du «Haaretz», d’où il ressort que le judaïsme structure plus que jamais la vision du monde des Israéliens. Et qu'en l'ignorant, les laïcs qui ont fondé Israël favorisent sa désintégration. Extraits

 

Il fut un temps il existait une majorité laïque. Ce n’est plus le cas. Voilà ce que révèle une étude exhaustive récemment publiée, «Croyances, pratiques et valeurs parmi les Juifs israéliens», menée par le Guttman Center for Surveys, émanation de l’Israel Democracy Institute. Selon cette enquête, 80% des Juifs israéliens croient en Dieu; 67% croient que les Juifs sont le peuple élu; 65% croient que la Torah et ses préceptes ont été reçus de Dieu; et 56% croient en une vie après la mort.

Il ne s’agit plus d’attachement populaire envers des coutumes traditionnelles, mais bel et bien d’une question de foi: trois Juifs israéliens sur quatre ne sont pas athées. Même s’ils n’observent pas le shabbat, ils se raccrochent au système de croyance fondamental de la religion juive. Nous nous berçons depuis de nombreuses années de l’illusion d’une «majorité laïque», sabotant ainsi la possibilité de créer un melting-pot juif pluraliste en Israël.

Ce melting-pot n’a jamais vu le jour, parce que ceux des athées qui pensent constituer une majorité sont aussi arrogants que les haredim [ultra-orthodoxes] (1). Cela se produira donc seulement si nous comprenons que le fondement de l’État juif démocratique n’est pas l’athéismeauquel adhèrent de moins en moins d’Israéliensmais le pluralisme, auquel adhère encore la majorité.

Des communautés insulaires

Le melting-pot imaginaire, auquel Israël a tenté en vain d’intégrer les groupes ultra-orthodoxe et national-religieux, n’a jamais eu la moindre chance. Sa faillite n’a fait que renforcer l’insularité des différentes communautés. Avec des systèmes éducatifs séparés, des univers culturels distincts, des partis propres, des zones résidentielles indépendantes et une application sélective des lois du pays, chaque groupe a fait ce qui lui semblait le mieux. Sous le discours universitaire élégant à propos du «multiculturalisme» se cache la réalité effrayante de l’hostilité entre communautés qui menace de se transformer en guerre fratricide. Construit sans fondations, l’État israélien s’abîme dans une politique d’opportunisme brutal, hypocrite et sans retenue, qui est de plus en plus raciste et de moins en moins démocratique.

Voilà ce qui se passe quand la «majorité laïque» se dispense du judaïsme pour le laisser entre les mains des orthodoxes et des ultra-orthodoxes, comme si cette religion était une entité donnée, figée, dont l’essence serait connue des seuls orthodoxes et des haredim. Mais le judaïsme n’a jamais été une entité figée. Si c’était le cas, le siddur – le livre de prièren’aurait pas remplacé les sacrifices animaux; la Loi orale n’aurait pas donné une exégèse révolutionnaire de la Torah écrite; les fêtes et dates commémoratives comme Hanoukka et Tisha Beav n’auraient pas été fixées; et nous en serions encore à lapider les fils rebelles.

L’histoire de cette foi a été faite de mues, sans parler de la multitude de courants qui ont existé à chaque époque (Israël et Juda, sadducéens et pharisiens, kabbalistes et philosophes, hassidim et mitnagdim, sionistes religieux et haredim antisionistes (2)). Face aux rabbins haredim pour lesquels le judaïsme signifie l’exclusion des femmes et l’indifférence à l’égard des obligations civiles, le mouvement laïc aurait se présenter comme un groupe juif craignant pour l’image de cette religion et sa pratique éclairée, égalitaire et démocratique.

En tant que courant juif impliqué dans un combat pour l’image du judaïsme, les laïcs auraient affronter tous les rabbins du mouvement national-religieux pour qui cette croyance signifie ignorer l’existence des Palestiniens, perpétuer la discrimination contre la population arabe et se considérer comme les réels commandants des forces de défense israéliennes. Cela ne se produira pas tant que les laïcs continuent de se croire majoritaires, et tant qu’ils penseront que ce statut de «majorité» leur permet d’ignorer la question du judaïsme.

Masse critique

Sur le plan démographique, l’avenir est tout tracé, puisque le taux de natalité des orthodoxes et ultra-orthodoxes est dix fois supérieur à celui de la population laïque. Nous devons nous y préparer. Nous vivons les derniers moments il est encore possible d’engager le processus qui fera de la société israélienne une communauté juive pluraliste, parce que les modérés constituent encore une solide majorité. De même que seules 3% des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête du Guttman Center se déclarent «laïques, antireligieuses» (contre 43% qui se déclarent «laïques, pas antireligieuses»), la majorité des orthodoxes et des ultra-orthodoxes ne sont pas des fanatiques militants. Pas encore. Mais ils deviendront de plus en plus extrêmes à mesure que leur poids démographique atteindra une masse critique, consolidant leur domination.

Nous avons quelques années de répit entre l’hégémonie laïque passée et l’hégémonie religieuse à venir (mais encore évitable). Une alliance culturelle et sans doute aussi politique peut encore être forgée entre les Israéliens laïcs, traditionnels, orthodoxes et ultra-orthodoxes qui partagent la même vision du judaïsme comme entité vivante et souhaitent le réaliser dans toutes les sphères de la vie d’où il n’a pas été exclu par les rabbins. Une fenêtre d’opportunité s’est ouverte pour la coopération entre laïcs cherchant leurs racines et religieux aspirant au renouveau de la halakha, le droit religieux juif. Reste à savoir si nous agirons avant que cette fenêtre ne se ferme.

est passée la «majorité laïque»?

Ceux qui ont lu la première étude que le Guttman Center a consacrée à ce sujet, en 1991, ont vite perdu leurs illusions sur la «majorité laïque», puisque 56% des sondés avaient répondu, par exemple, qu’ils croyaient sincèrement que la Torah avait été reçue de Dieu (ces 56% sont aujourd’hui 65%). La deuxième enquête, réalisée en 1999, semblait montrer que l’érosion de la «majorité laïque» s’était arrêtée. En fait, le renversement temporaire de la tendance était lié à l’immigration massive venue de l’ex-Union soviétique. Ce phénomène offrit au corps politique une transfusion sanguine pendant quelques années, jusqu’à ce que les nouveaux venus s’intègrent à la société et deviennent traditionalistes comme la majorité des Juifs israéliens.

L'intégralité de l'article:

http://bibliobs.nouvelobs.com/en-partenariat-avec-books/20121229.OBS3969/israel-les-orthodoxes-ont-le-vent-en-poupe.html